Les temps du deuil

Chaque deuil est unique, personnel et intime. Il ne s’agit pas d’oublier l’être disparu, mais de se reconstruire par un travail de deuil souvent long, difficile et douloureux. Pourtant le deuil obéit à une forme de logique temporelle.

Une jeune fille regarde par la fenêtre et semble pensive et malheureuse

Parler du deuil, c’est parler de la mort

Nous sommes tous concernés par la mort à un moment ou à un autre de notre existence. Considérée comme « normale » lorsqu’ associée au grand âge, la mort reste tabou.

Les rites funéraires se faisant moins présents, la mort est occultée, cachée, aseptisée. Lorsqu’elle surgit, nous y sommes rarement préparés, et dans tous les cas, le processus de deuil est lent et personnel. Pourtant, il est indispensable pour se reconstruire.

Le deuil est universel mais unique

La manière dont on vit la mort de son proche est variable en fonction de sa culture, du passé commun, du lien qui unissait et de l’histoire personnelle de chacun. Les circonstances dans lesquelles il se produit ont un impact sur son intensité. Suivant que la mort s’inscrit dans un cycle dit naturel ou non, elle est plus ou moins bien acceptée.

Les enfants et les adultes ne vivent pas le deuil de la même manière.

Le deuil ne se déroule pas de façon linéaire et repérable. Cependant, la rupture est toujours là et le deuil reste un moment de la vie particulièrement douloureux et difficile à dépasser.

Les spécialistes s’accordent sur de grandes étapes.

Sophie Poupard-Bonnet, intervenante pour Dialogue & Solidarité à Paris : Combien de temps dure le deuil ?

Les étapes du deuil

La période de choc

Après la perte d’un être aimé, le survivant est en état de choc : il est sidéré, abattu. A l’annonce du décès, la première réaction est le refus ou le déni : la personne se dit que ce n’est pas possible, qu’il y a une erreur. Elle refuse de croire et d’accepter la disparition de la personne décédée.

La personne en deuil vit de façon automatique, sans être vraiment présente. Elle peut éprouver une grande difficulté à réfléchir ou à prendre des décisions. Elle peut aussi sentir une certaine distance par rapport à l’entourage.

Souvent, cette période est concomitante “au temps du notaire”: le moment où les démarches administratives s’enchaînent et où la personne endeuillée doit gérer de nombreux dossiers alors même qu’elle est épuisée psychiquement.

Maëva Neethling, intervenante pour Dialogue & Solidarité à Angers : Pourquoi le deuil peut être plus difficile à vivre avec le temps ?

La période de désorganisation

Cette phase commence lorsque l’endeuillé prend conscience de la souffrance et du vide laissés par la perte. La tristesse et le désespoir apparaissent. Après la mort du conjoint, tout semble dérisoire. La personne envisage le lendemain avec crainte : elle n’a plus goût à rien. Peu à peu, elle s’isole du monde extérieur. Ce repli sur soi peut entraîner un ralentissement des activités intellectuelles (par exemple perte de la mémoire).

La douleur morale est essentiellement liée à un sentiment d’abandon, de solitude et de manque. La personne veuve découvre que sa vie a basculé. Elle réalise qu’elle doit s’occuper seule de l’éducation des enfants et assurer l’organisation du foyer. La désorganisation de la vie relationnelle et matérielle peut amener la personne à prendre des décisions brutales qu’elle regrettera par la suite, par exemple un déménagement ou la vente de biens. Cette phase de désorganisation est « normale » : la douleur morale est l’expression et la conséquence du travail de désinvestissement qui s’opère nécessairement après la perte d’un être aimé.

Les souvenirs, les images du passé sont remémorés et associés à l’idée de perte et de disparition. Ce processus s’accompagne d’un désintérêt pour le monde extérieur, d’une absence d’élan et de goût pour la vie et parfois de l’idée ou du désir de mourir (même s’ils ne sont pas exprimés verbalement).

Marie-Noëlle Chaban, intervenante pour Dialogue & Solidarité à Angoulëme : Je pleure encore beaucoup, est-ce normal ?

La période de réorganisation

Cette période commence lorsque la perte est acceptée, reconnue en tant que telle. C’est la période de reconstruction de soi : la personne est capable de se tourner vers l’extérieur, de créer de nouveaux liens et de retrouver goût à la vie. Cette réorganisation ne peut se faire sans l’aide des proches car force est de constater que dans notre société, les endeuillés se retrouvent souvent dans une grande solitude et ont de grandes difficultés à exprimer et à partager leur peine.

L’aide complémentaire d’un groupe de parole, comme ceux que propose Dialogue & Solidarité, prend tout son sens en offrant aux personnes en situation de veuvage une présence chaleureuse et un soutien psychologique pour aider à la reconstruction de soi et au maintien social. Rien n’est acquis une fois pour toutes : des perturbations peuvent intervenir lors d’un anniversaire ou d’un événement fortuit.

Le milieu du travail ou la simple exécution des obligations habituelles, qu’elles soient professionnelles ou familiales, peuvent aider à maintenir un certain cadre de vie, mais, peu à peu, la solitude se fait sentir, et le besoin apparaît de s’appuyer sur les autres.

Myriam Vaunier, intervenante pour Dialogue & Solidarité à Clermont-Ferrand : Parler à son conjoint décédé, avoir des problèmes de concentration... est-ce normal ?